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Rock 'n Tea

Nanping, Wuyi ShanLe thé de roche est un monde à part. Tellement qu'il est rare et déjà cher, dirait notre président. La caractéristique induite par sa désignation le fait pousser en montagne entre les rochers, le soustrayant pense-t-on aux bienfaits de la mécanisation. Le thé de roche est-il avant tout un thé "manuel", un thé à mulet ? Certains jardins sont effectivement escarpés et difficilement amendables, d'autres plus accessibles sont la propriété des grandes manufactures d'état de la Province du Fouxien. Beaucoup de jardins gardent un caractère "sauvage" avec des théiers plus que centenaires.

La zone de production qui se situe dans les Monts Wuyi à la frontière du Fouxien et du Jiangxi où nichent palais, monastères et temples, est le berceau du taoïsme et de ses successeurs bouddhique et confucianiste. Les premiers construits furent des lieux de sacrifices impériaux dès le VI° siècle, quand les académies de scolastique recensées datent des Song. Même assez abîmés, les vestiges en restent chargés d'énergie, tant on y a pensé !
Le pays, qui s'étend sur 60 km² seulement, est une chaîne montagneuse couverte d'une forêt tropicale humide qui bloque dans un sens la bise du nord et dans l'autre le vent marin tiède du sud. La biodiversité exceptionnelle des Wuyishan les a fait classer au patrimoine mondial de l'humanité, avec les tigres et léopards qui s'y sont réfugiés.

jardins des Wuyi Shan
Le climat est idéal pour le camelia sinensis. Il s'y produit trois classes de thés :

Les verts
qui sont les premiers résidents de la montagne, représentent 5% du façonnage :
(a) le "Jin Mei", c'est un thé de concours difficile à trouver car préempté par les grandes maisons de thé chinoises de Shanghai ;
(b) le Qu Hao qui est fleuri comme un oolong, long en bouche, et ne s'amérise pas ;
(c) le Xue Ya, feuille blanche duveteuse qui donne une liqueur pâle savoureuse avec une pointe salé-sucré.

Oolong sombreLes Oolongs ont fait la réputation moderne des Wuyi Shan par leurs propriétés mange-graisse dont on écrit des livres ! Ils représentent aujourd'hui 80% du façonnage ; ce thé semi-fermenté est décliné en quatre qualités :
(a) le Da Hong Pao (c'est aussi le nom d'un théier très ancien), est passé au feu vif puis gardé un an pour bonification. Les feuilles embaument et la liqueur est sombre, mais le goût est long et soutenu. Il convainc les amateurs de café.
(b) le Rou Gui a une première infusion qui fait penser à la casse (séné) quand la suivante est carrément florale.
(c) le Shui Jin Gui dont la fermentation est stoppée lentement sur charbon de bois pendant une journée entière. Il est différent de la première à la troisième infusion, astringent d'abord puis finissant sur un arôme de pêche.
(d) le Shui Hsien est un oolong sombre et corsé avec un retour de miel. On en trouve parfois hors d'âge (10 ans) qui sont re-torréfiés.

Les noirs. Le vrai Jin Jun Mei, appelé sourcil doré, provient essentiellement de théiers sauvages d'altitude. C'est un thé cher (3000$ le kilo) fait de cinquante mille bourgeons à la livre de thé fini. On ne voit pas très souvent du vrai. Son infusion marie les arômes de fruits, fleurs, miel et pomme de terre. J'espère en goûter de mon vivant.
Les autres thés noirs des Wuyi font 15% du façonnage et restent de très bonne qualité.

Tous ces thés sont bio et certifiés.

Si les thés des Wuyishan sont réputés pour leurs propriétés médicinales et toniques, c'est aussi parce que de grands maîtres de culture y sévissent dans la perfection de leur art. Mais c'est la lutte contre l'obésité qui fait le chiffre, et pas que chez les Américains. Qu'en est-il sur la balance des buveurs de oolong ? Formidable, nous dit-on, sans mener aucune expérience clinique. Le thé semi-fermenté est diurétique et plein de flavonoïdes, antioxydants et autres bonnes choses. En boire beaucoup draine bien et fait tomber le ventre, s'il prend la place du soda ou de l'alcool. Et avec une exercice intensif en soutien de la cure de thé, la perte de poids sera parfaitement assurée. C'est un faisceau de prescription qui peut venir à bout du surpoids, pas la magie d'un breuvage aussi subtil soit-il. Mais qui dit surpoids, dit aussi poids génétique normal, ce qui laisse dans la norme des gens génétiquement plus gros que les autres.

ruisseau de nanping
Le marché français est-il prêt pour le vrai thé de roche ? Cela reste un thé de connaisseurs comme les armagnacs hors-d'âge, et s'il arrive à percer porté par le vecteur marketing de l'amaigrissement, il y perdra peut-être ses notes gustatives exceptionnelles au bénéfice du "rendement phytosanitaire" et des articles dithyrambiques de la presse féminine.
La maison Fuyama, qui a en sommeil un approvisionnement direct de jardin, observe sa clientèle et lui propose épisodiquement de découvrir le vrai thé de roche des Wuyishan dans des conditionnements "cadeau" en période de fêtes. L'enthousiasme se fait attendre, mais ça viendra.

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