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Yamada philosophe du thé

H. YamadaMonsieur Yamada s'est préparé à mourir depuis longtemps. Engagé dans la Marine impériale, il se porta volontaire comme kamikaze à la fin de la tragédie du Pacifique. « Je n'avais pas peur de la mort alors, puisque j'ignorais ce qu'elle signifiait. Aujourd'hui je ressens tout ça différemment. »

Sauvé par le gong - quand vint son tour son escadre n'avait plus d'avion à casser - Hisahi Yamada dédia quarante ans de sa vie à l'enseignement de la discipline et des rites de la cérémonie traditionnelle du thé. Il s'est aujourd'hui retiré dans la méditation.

D'abord installé dans le Queens en 1964, il passa à Upper East Side dans une école qui enseignait le thé. Il y fut le professeur de milliers d'étudiants : « Le thé n'est pas le Salut, avait-il coutume de dire, tout comme le zen n'est pas le Salut. Vous le faites pour votre propre bien. »

Il est né en 1928 pour suivre les traces de son père qui était docteur. Mais il abhorrait le sang ! Ce qui ne l'empêcha pas la guerre déclarée de s'engager à 15 ans comme élève-pilote à l'insu de ses parents. La guerre perdue, il rentra à Tokyo pour trouver la maison familiale et la ville en ruines. Il se relocalisèrent dans le nord du Japon et Hisahi fit le boy chez un colonel américain qui le présenta à l'homme qui allait changer sa vie, un riche aristocrate du nom de Burton Edwards Martin. Hisahi partit travailler cher Mister Martin qui n'avait pas d'enfant et qui finalement l'adopta pour le sauver de la terrible misère nippone d'après-guerre. Ses parents biologiques donnèrent leur consentement.

ombre chinoise
Familiarisé avec la culture américaine grâce à son père adoptif, il commença à étudier sérieusement le thé et saisit l'occasion d'un voyage à la Foire Internationale de New York en 1964 pour apprendre aux visiteurs la cérémonie japonaise du thé. Il n'y avait alors aucun intellectualité du thé aux Etats-Unis, simple boisson chaude assortie de cookies, mais tout de même un intérêt assez fort pour le japonisme, à cause de l'occupation américaine.

Il poussa ses études plusieurs années comme on entre dans les ordres, jusqu'à devenir enfin un maître certifié du thé. Ainsi sut-il apprendre à ses auditoires qu'un homme du nom de Sen Rikyu avait élevé la cérémonie du thé au niveau d'un art, il y a quatre cents ans. « Avant Rikyu il y avait du thé comme avant Bach il y avait de la musique !». Et d'expliquer à petits pas la philosophie du thé, qui convoque à son art subtil : l'architecture, le jardin, la calligraphie, la fleur, la poterie et bien plus ...

Au centre de Upper East Side sur la 69° près de Lexington Avenue, est cette école de thé, Urasenké Chanoyu Center, un jardin entouré de salons de cérémonie. La vision du dehors qu'on saisit lorsqu'on y est entré est réduite à un simple morceau de ciel. Elle vous transporte ailleurs qu'à Manhattan (NYC). Il le faut !

école UrasenkéL'accès au salons, selon le rite de Sen Rikyu, passe par un orifice bas obligeant chacun à presque ramper, shogun, samourai ou vulgaire paysan, tous égaux. L'école Urasenké enseigne deux cérémonies, "thin tea" et "thick tea". Une cérémonie "thick tea" peut durer quatre heures, quatre heures de quasi-silence ! En revanche pour une "thin tea", on est autorisé à parler, mais seulement à propos de la cérémonie elle-même ; pas de bourse, pas de politique, ni Obama, ni McCain, encore moins Sarah Palin !

Bien que cet enseignement semble complètement décalé par rapport à la vie moderne actuelle, surtout à Manhattan, la liste d'étudiants en attente est longue pour accéder à la sagesse. Quand on commence avec le thé, cela devient vite l'affaire de toute une vie, et les plus occupés par leurs soucis professionnels ou particuliers découvrent avec le thé qu'il ne le sont pas autant qu'ils le craignaient.
Le thé c'est la vie.

(alerte de Marc Sandora in NY Times)

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