Accéder au contenu principal

Out of Africa

kenya
La semaine de Noël, les prix des thés noirs africains avaient augmenté chez les courtiers kényans de Mombassa par crainte de la sécheresse et d’une réduction consécutive de la production de printemps.
Les acheteurs habituels venus d’Egypte, du Pakistan, de l’Afghanistan, du Royaume Uni et du Soudan s’étaient empressés de boucler leurs contrats avant les élections présidentielles. Bien leur en a pris ! Les émeutes ont désorganisé le tea trade et les prix pourraient grimper suite à la pénurie, comme s’effondrer tout aussi bien si les stocks ne peuvent être formés sur les docks.
Le Kenya est dans le trio des producteurs mondiaux de thé noir, avec l’Inde et Ceylan.
Les curieux peuvent prendre connaissance des dernières mercuriales africaines en cliquant ici. 8250 tonnes ont été passées la dernière semaine de transactions en décembre.

Ceci nous donne l’occasion de parler des thés africains, qui sont encore largement méconnus en France. Vous connaissez déjà le Rooïbos et le Honeybush sud-africains qui sont plutôt des tisanes aux propriétés curatives, mais que savez-vous des vrais thés d’Afrique ?

Courte histoire : le camelia sinensis fut introduit par les Anglais au jardin botanique d’Entebbe (Ouganda) pour acclimatation de la plante en 1900. Ce fut un succès, et un certain Talbot créa une manufacture de thés sur place. Puis les frères Orchardson (il est des noms prédestinés) en firent un jardin au Kenya, et dans les années 20, la Brooke, Bond & Co acheta des terres pour s’y lancer en grand.
Le bénéfice fut au rendez-vous, et des compagnies agronomiques acquirent des terres en Afrique de l’Est qui devinrent vite d’immenses domaines. La logique capitalistique pourvut aux concentrations avant que toute l’industrie ne soit réunie entre les mains de conglomérats théicoles anglo-saxons puissants.

tasse thé noirLes qualités de base proviennent de l’Assam. L’Afrique de l’Est produit des thés noirs. L’Afrique de l’Ouest des thés verts. Ce sont le Kenya et la Tanzanie qui font les plus gros tonnages. Le port de Mombassa est le grand port du thé, mais actuellement les primes d’assurances montent. Les pays des Grands Lacs en font aussi, Ouganda, Ruanda et Burundi (le moins bon) ; mais la route de la mer est coupée présentement par les disputes interethniques kényanes

Pour des raisons de niveau de prix, les thés africains sont distribués surtout dans le Tiers-monde pour les qualités «verts»; et les «noirs» sont utilisés dans les assemblages de thés industriels anglais. Une bonne partie de la production est consommée sur le continent noir du moins s'y essait-on à mesure que la concurrence asiatique s'enrage sur les marchés solvables. Les thés verts africains sont déjà très présents sur la rive sud de la Méditerranée. Mais la Chine surveille et a rapproché ses réseaux de distribution. L’on trouve couramment des Gunpowder standard en Afrique du Nord à des prix canon qui peut faire reculer le Kenyan.

Le thé africain est entre les mains d’une industrie qui serre ses coûts sur un marché mondialisé. Les thés noirs corsés sur base Assam sont des CTC (cuting, tearing, curling) manufacturés automatiquement, après une cueillette à la main. Le produit fini adapté au marché anglais donne une infusion rapide et corsée qui correspond au mode de vie occidental trépidant. A tel point que le Sri Lanka se met aussi au CTC pour ses Ceylans. La mauvaise monnaie chasse la bonne, dit-on.

l(heure du thé
Il se trouve encore des thés génériques africains manufacturés avec soin, mais les quantités sont faibles. On peut prédire que si le commerce équitable s’amplifie, la qualité et la quantité monteront. A moins que les organisations qui diffusent cette équité ne finissent par capter le « gras » de la filière, ou soient éjectés du circuit par les conglomérats théicoles qui ne s'en laisseront pas compter.

Commentaires